
Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme…) affirme qu’il est Abraham Ajar, le fils d’Emile. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre « trou juif » de La Vie devant soi : es-tu l’enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l’identité que tu prétends incarner ?
En s’adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l’univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l’humour juif… ou encore les débats politiques d’aujourd’hui (nationalisme, transidentité, antisionisme, obsession du genre ou politique des identités, appropriation culturelle…).
Le texte de la pièce est précédé d’une préface Delphine Horvilleur sur Romain Gary et son œuvre. Dans chacun des livres de Gary se cachent des « dibbouks », des fantômes qui semblent s’échapper de vieux contes yiddish, ceux d’une mère dont les rêves l’ont construit, ceux d’un père dont il invente l’identité, les revenants d’une Europe détruite et des cendres de la Shoah, ou l’injonction d’être un « mentsch », un homme à la hauteur de l’Histoire.
Delphine Horvilleur est remarquable. Avec humour et jubilation, elle aborde des sujets fondamentaux, partage son humour narquois et si humain tout en doutes. Elle partage son histoire juive au travers de textes de la THORAH, des histoires universelles qui en deviennent intimes au lecteur. Tous les grands textes de l’aventure de l’homme qu’ils soient religieux ou mythiques ne racontent que notre histoire, notre marche, notre déambulation au travers de temps et de notre regard sur le divin. Un regrad sur notre finitude et à ce titre son sublime livre : « Vivre avec nos morts » est à lire et relire pour s’approcher au loin de ce sentiment qu’est la tristesse de l’être parti, de cette partie qu’on vous a prise. Cet amputation à vif qu’est le deui
Mais ce livre est un grand plaidoyer contre l’identité et ainsi une lutte contre les fondamentalistes. Un livre contre l’enfermement dans des cases, dans une culture en oubliant celles des autres, un enfermement d’exclusion. Ne vouloir vivre que dans son cercle est un aveuglement au monde, un rejet de cet autre moi-même, l’autre. S’enfermer dans une indentité c’est accepter de se rabougrir, de se replier sur soi jusqu’à disparaitre. En définitive, ce repli est une mort annoncée et certainement pas une libération. Mais allez l’expliquer à des fondamentalistes ou des nationalistes obtus, désolé pour ce pléonasme. merci Delphine pour votre parole.